A longer la mer
I y a d'abord l’instant où affronter l’eau salée; où conjurer le face à
face liquide. Si elle approuve, en s’enroulant au corps, alors commencera à un autre temps, un
temps de tous les temps. L’intime plaisir de nager est
conjugué aux mouvements des bras, des jambes, de la poitrine aspirant une bolée
d’air. Le déplacement étiré est lisse et sans effort ; la récompense est
immédiate. Pourvu que dure autant que possible la bonne extension vivante, du
corps, du visage et du souffle abandonné. Le fil de l’eau se trouve repoussé –
brassé – puis, au temps second, une détente consent à éclairsir la brume. Ce n’est plus
comme sur Terre. Pour peu qu’on la frappe, qu’on la force, elle réplique
immédiatement avec une énergie incroyable. Au jeu de l'excès, c’est l'eau
qui charrie, surenchérit. Impossible à mordre,
elle
ne cède sa saveur épicée qu’à l’effusion onctueuse.