Martin l’Hospitalier
A la lueur de la cheminée, dans le chaud
crépuscule d’une casserole qui bout, l’aubergiste sommeille et s’abandonne à ses rêveries :
Trois
cercles entourent le centre d’un plat comme une balance parfaitement réglée,
d’ombre et de lumière : le premier est constitué de homards préparés aux
truffes et aux petits pois, imbibés de lait et passés à la toile de lin. Le second commence par une langouste en
sauce attrapant avec sa pince la queue d’une anguille assaisonnée aux amandes,
laquelle anguille en mord une autre, cuite dans la malvoisie qui appuie sa tête
femelle sur un brochet cuit lui, à la braise, qui suit famélique cinq truites
écorchées au genièvre dont la dernière rejoint la langouste. Le dernier cercle
est composé d’un carrousel de patelles et de couteaux.
Et au milieu, un mont de
douceurs. Une cariatide retient délicatement entre ses mains des petites cailles
à la negresco. Elle porte à son cou des diadèmes de griottes, à la
taille, des oranges sanguines, sur sa tête, une couronne de cerises. A ses
pieds, un tapis de grappes de raisin noir et de myrtilles. Autour de son piédestal font
cercle, dans une mousse blanche au cédrat, quarante têtes décapitées de Baptise
en crème pâtissière, chacune saignant une gelée de fruits différente...